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Deuxième partie

 

3. Analyses et commentaires des textes

            

            Carohaise

            L'identification de Carohaise avec Carhaix ne fait donc plus aucun doute. (1)

 

            A propos des fortifications de Carhaix.

            A plusieurs reprises, le texte de la bataille nous parle des remparts de Carohaise et l'on devrait s'attendre, dans le cadre des fouilles archéologiques, à retrouver sinon tous les remparts, au moins une partie d'entre eux ou des traces. Or, jusqu'à présent, il semble que l'archéologie soit restée muette à ce sujet. (2)

            Le cas est troublant, car le nom de Carhaix-Plouguer lui-même tend à conforter l'idée d'un castrum, dont le schéma est parfaitement visible du point de vue du plan cadastral aussi bien que des prises de vues aériennes. (3)

            On peut déjà en partie répondre à cette question en rappelant que les narrateurs des Romans arthuriens ont écrit leurs textes au Moyen-age, et qu'ils se sont probablement inspirés des villes fortes de leur époque, tout comme ils ont interprété par ailleurs les faits chevaleresques de l'époque arthurienne comme ceux d'une chevalerie de l'époque courtoise, ce qui est en soi un anachronisme parfaitement compris aujourd'hui. (4)

            Dans ce cas, on peut aussi proposer une solution à ce castrum si énigmatique de Carhaix. En effet, la ville de Carhaix doit probablement son origine à un camp romain de l'époque de la conquête romaine, c'est-à-dire un camp du Haut-empire, dont le dessin était toujours un carré aux coins arrondis. La fortification était constituée d'un parapet en terre entouré d'un fossé, et surmonté d'une palissade en bois. D'où probablement son nom: Vorgium, c'est-à-dire le chantier, la palissade en chêne, etc. (5)

            La paix romaine étant établie, la ville civile de l'époque augustéenne s'est construite autour de ce camp primitif, mais désormais de façon ouverte et sur une aire beaucoup plus vaste. Même si l'on ne peut pas exploiter le silence des textes pour affirmer que le camp primitif avait disparu, toujours est-il qu'aucun évènement grave n'a semblé troubler la tranquillité de la petite ville, capitale des Osismi, durant la période du Haut Empire. Ce ne serait du reste pas un cas unique d'un camp primitif (castrum), entouré par une agglomération civile (vicus), qui se serait fait absorber par cette ville après sa désaffectation militaire.

            Mais cette Pax Romana n'a pas duré plus de deux siècles et du fait de l'apparition de troubles aussi bien à l'intérieur de l'Empire qu'à l'extérieur, les villes se sont petit à petit resserrées sur elles-mêmes et enfermées dans de nouvelles fortifications, de pierre ou de palissades, souvent construites à la hâte, dans la panique. Elles sont devenues ainsi des villes-camps, des villes-forteresses, c'est-à-dire elles-mêmes des castra (6). Mais qui donc a décrété que les nouvelles forteresses du Bas-Empire devaient impérativement correspondre à celles des camps primitifs ? Les nouvelles défenses, compte-tenu de l'extension superficielle des villes, ont très bien pu définir des zones plus larges que les camps primitifs, même si ces zones étaient en fin de compte elles-mêmes devenues moins étendues que les villes ouvertes. On sait très bien que les superficies des villes varient selon les aléas de l'histoire. Et qui donc a décidé que ces défenses devaient obligatoirement être en pierre ? Après tout, le Mur d'Antonin, quoique plus récent que le Mur d'Hadrien, n'était constitué que d'un parapet en terre surmonté d'une palissade en bois, alors que son prédécesseur était en pierre (7). Pourquoi donc ce qui est valable pour une frontière très exposée comme les Murs ne le serait-il pas pour une ville très moyennement exposée comme Vorgium / Carhaix ?

            Cette question reste donc dans l'attente. L'archéologie y répondra probablement un jour. Il suffit d'être patients.

 

 

Plan du centre-ville de Carhaix

Extrait de La Civitas des Osismes, de Louis PAPE

Le schéma cadastral au carré est évident

 

 

            L'évêque de Carohaise

 

            Il s'agit là d'un indice beaucoup plus important qu'il peut paraître à première lecture, car il signifie automatiquement, compte tenu de la période chronologique, que cette ville nommée Carohaise doit impérativement être à la fois la capitale d'une cité et le siège d'un évêché. Or, il est parfaitement clair que parmi les quelques sites qui ont été proposés pour identifier Carohaise, un seul peut prétendre à la fois avoir été capitale de cité et siège d'un évêché : Vorgium / Carhaix, capitale des Osismes (8). La possibilité épiscopale des autres sites n'a même pas été abordée, ce qui est une façon comme une autre d'éviter le débat. (8)

            Il est inutile de revenir sur l'aspect de capitale de Carhaix. Celui-ci a déjà été largement commenté et démontré depuis fort longtemps par des auteurs aussi nombreux que compétents.

            La difficulté repose sur le fait que nous ne savons pas à quelle date exactement Carhaix a été érigée en siège épiscopal ni quel était la nom du premier évêque. D'innombrables pages ont été écrites sur ce sujet, sans jamais donner de réponse définitive ! Tout porte à croire, en tout cas, que cette date se situe peu après l'érection de Vannes qui, elle, est datée entre 462 et 467 (9).

            L'identité du premier évêque de Carhaix, et c'est là le drame et l'ouverture à toutes les conjectures, ne nous est pas davantage connue pour l'instant. Luce Piétri parle d'un certain Viventius, en 453. Il faut dire que pour cette même année 453, elle place un certain Eustochius sur le siège de Tours, un certain Thalasius sur celui d'Angers, un certain Victurius sur celui du Mans, un certain Desiderius sur celui de Nantes, un certain Sarmatio sur celui de Rennes, un certain Chariato sur celui de Vannes, et un certain Rumoridus sur celui de Corseul. A l'en croire, tous ces sièges auraient été pourvus dans la même année, ce qui semble s'opposer à des documents connus. L'argument est douteux et fragile.

            Il est cependant intéressant de noter que si dans la liste des évêques de Quimper (évêques de Cornouaille), le premier d'entre eux est bien dénommé Corentin (10) ce qui est conforme à la tradition bien que ses Vies paraissent fort suspectes (11), le second est nommé Conogan et le troisième Alor. Or, Conogan est donné pour éponyme de Tréogan, paroisse détachée de Plévin, de Restréogan, en Saint-Hernin, de Moustrougant (Mouster-Conogan ?) en Glomel et se retrouve aussi en toponyme, Saint Conogan, à la traversée du lac de Glomel sur le tracé de l'ancienne route gallo-romaine de Carhaix/Kastell Bras/Vannes, tous dans le secteur sud de Carhaix. Quant à Alor, il peut très facilement se retrouver sous le nom d'Éloi, dans le toponyme Ker Saint Éloi, en Glomel, tout près du Kastell Bras de Paule, situé précisément entre les deux toponymes sous le vocable de Conogan. Cela n'est peut être qu'une coïncidence. Mais elle a le mérite de se trouver à proximité immédiate de routes anciennes importantes, dans le secteur sud-est de Carhaix. (12)

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