Deuxième partie
3. Analyses et commentaires des textes
Principe de la recherche
La bataille de Carohaise, qui a vu la victoire de Léodagan et de ses alliés, a été l'occasion de grandes réjouissances. Le chapitre XIX nous raconte le banquet, en présence de la princesse Guenièvre et l'éveil amoureux d'Arthur à son égard. Mais il précise aussi qu'à la fin du repas, Merlin lui-même a disparu. Le chapitre suivant en donne les raisons : Merlin s'en est allé en forêt de Brocéliande. (1)
Autrement dit, le texte de la Légende établit le principe d'une relation directe entre Carohaise et Brocéliande. Certains auteurs ont essayé de résoudre cette question par l'irrationnel. Nous ne nous y attarderons pas davantage, puisque cela n'a mené et ne mènera jamais à rien. La question que nous devons nous poser est de savoir si l'on peut trouver une relation aussi directe et aussi concrète que possible entre des lieux pouvant évoquer des noms de Carohaise et de Brocéliande.
L'erreur originelle
On peut lire dans de nombreux ouvrages traitant de ce chapitre particulier des Romans arthuriens que Léodagan est un roi d'Écosse (1). Le raisonnement est basé sur les indications que le royaume de Léodagan est voisin de celui d'Arthur. On peut citer plus particulièrement Robert de Boron qui prête à Merlin les propos suivants :
" ... les Chevaliers de la Table Ronde ... sont allés s'établir dans un autre pays à cause de la perfidie qu'ils ont vu naître en celui-ci.; ils sont allés au royaume de Léodagan de Carmélide... Le roi Léodagan soutient une longue guerre contre le roi Rion, seigneur des Pastures et des Géants ... Ce roi Rion ... a conquis par la force vingt-cinq rois couronnés ...il fait la guerre à Léodagan et cause de graves dommages à son royaume. Le royaume de Léodagan est voisin du vôtre et il est certain que, s'il le perd, vous perdrez ensuite le vôtre...". (2) |
Partant du principe que visiblement le royaume de Léodagan est voisin de celui d'Arthur, mais que pour autant Léodagan n'est ni le sujet ni le vassal d'Arthur, les historiens ont pensé que ce territoire appelé Carmélide se trouve aux confins de celui relevant de l'autorité d'Arthur. Puisque cela ne peut se trouver en (G)Bretagne romaine, on doit donc le trouver logiquement en bordure du Mur d'Hadrien, du côté barbare. C'est pour cette raison simple qu'ils placent la Carmélide quelque part dans le sud de l'Écosse actuelle, dans les comtés de Dumfries ou Galloway, cette idée étant sous-tendue par la recherche d'identification entre le Benoïc des Romans avec le pays des Venicones, situé au sud-est de l'Écosse, côté Mer du Nord, et non éloigné des précédents. (3)
Le problème majeur qui se pose alors pour eux est d'expliquer le caractère essentiellement continental de Claudas de la Terre Déserte, de Frolle, et de Ponce Antoine, et d'expliquer comment après la bataille de Carohaise en Écosse on peut assister à un combat singulier entre Arthur et Frolle dans une île près de Paris (4), et comment on fait pour aller de Carohaise à Brocéliande, que tout le monde s'accorde à placer en Bretagne armoricaine, tout ceci sans avoir à traverser continuellement la mer (5). En combien de temps ? Comment ? Par où ? Comment expliquer en outre qu'un roi du nord de l'Ile de Bretagne, à peine effleuré par l'évangélisation, puisse prétendre être le maître de tous les chrétiens et dominateur de l'Occident (6). Autant de questions éludées ou restées sans réponse.
Le fait est que ces historiens ont tout simplement ignoré ou oublié, volontairement ou pas, que depuis près d'un siècle déjà, précisément depuis Maxime, il existe aussi un territoire breton sur le continent et que ce territoire est également de la compétence militaire bretonne. Le roi de (G)Bretagne romaine a aussi compétence sur ce territoire breton du continent car il s'agit d'une extension militaire de la Bretagne insulaire sur le continent, dans le cadre de l'Empire romain. Par voie de conséquence, en tant que roi des Bretons (Britto-romains), Arthur, septième ou huitième successeur de Maxime, y exerce aussi sa fonction de roi. (7)
Ce territoire breton du continent, dépendant de l'autorité du roi de (G)Bretagne romaine ne couvrait bien évidemment ni l'ensemble de la Gaule ni encore moins de l'empire romain, même d'Occident. Il avait forcément des voisins, et c'est précisément dans le voisinage immédiat de ce territoire qu'il faut chercher la solution. La carte reconstituant le territoire défini par Nennius, apporte la réponse d'un simple coup d'œil : la proximité immédiate d'un territoire breton sur le continent d'un territoire ou se trouve une ville Carohaise (9). Le reste des mises au point fait l'objet de la présente étude.