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Deuxième partie

 

4. La légende de Merlin dans la forêt de Paimpont

 

 

            Implantation d'un mythe

            Le phénomène débute au moment ou Guillaume le Bâtard, duc de Normandie, décide de s'attaquer au royaume saxon de Grande-Bretagne. Nous sommes à la moitié du XIè siècle, c'est-à-dire près de 700 ans après Carohaise. Pour parvenir à ses fins, il engage à grands frais tous ceux que l'acquisition de terres et de titres intéresse. Parmi ses recrues, venues de nombreux endroits d'Europe de l'ouest, se trouvent non seulement des Normands (Normands-scandinaves et gallo-normands compris), mais aussi des Francs, des Bretons d'Armorique, des Poitevins, des Flamands, des Allemands, etc. (1)

            Certains historiens bretons n'hésitent pas à insister sur un nombre important de Bretons d'Armorique qui auraient répondu à l'appel de Guillaume, certains avancent même la proportion de 1/3, mais n'insistent pas trop sur les raisons elles-même. Pour la bonne cause, il est dit que des chevaliers bretons auraient cherché à récupérer les terres de leurs ancêtres. Soit ! ... à condition qu'à plus de 600 ans d'écart on puisse encore savoir qui étaient réellement les ancêtres en question et quels étaient leurs domaines ! On peut toujours imaginer des descendants de familles nobles d'aujourd'hui revendiquer les biens de leurs ancêtres de 1396. Cela prêterait certainement à sourire. (2)

            Il faut tout de même être sérieux et rappeler, quitte à froisser l'orgueil mal placé de certains affabulateurs bretons, que Guillaume a tout simplement soumis une partie de la Haute-Bretagne peu de temps auparavant : en été 1064, il a forcé le duc de Bretagne Conan II en personne à lever le siège de Dol, puis l'a assiégé dans cette même ville ou celui-ci s'était réfugié, obtenant de sa part la capitulation et le renouvellement de son hommage. De plus, les termes de son arrangement avec Harold d'Angleterre en font sans aucun conteste possible l'homme fort du moment, craint et respecté dans tout le nord-ouest de la Gaule. Il dispose même de l'appui de l'empereur Henri IV et de la cour pontificale. Autant dire qu'il a tous les atouts en main.

            Répondre à l'appel de Guillaume est donc sinon un devoir, au moins un honneur. Et beaucoup de chevaliers bretons y répondent. C'est un fait qu'il est inutile de discuter. En l'occurrence, il semble bien que ces chevaliers bretons en question sont originaires pour la plupart de Haute Bretagne, c'est-à-dire qu'ils sont probablement plus Gallos que Bretons : le duc de Bretagne Conan lui-même, les deux fils du comte Eudon de Penthièvre, Briant et Alain de Dinan, Raoul de Fougères, Robert de Vitré, Raoul de Gaël, etc. On peut donc se demander si ces gens avaient réellement des droits en Ile de Bretagne ou si ce n'est pas là une simple vue de l'esprit. La bataille d'Hasting, comme on le sait, s'est déroulée le samedi 14 octobre 1066 et a vu la victoire de Guillaume.

            Conan II meurt peu de temps après, le dimanche 10 décembre 1066, devant Château-Gontier, empoisonné par un chambellan. Il meurt sans descendance. C'est alors son beau-frère Hoël, époux de sa sœur, comte de Cornouaille et de Nantes, qui monte sur le trône ducal.

            Et c'est là que nous trouvons le sire Raoul de Gaël, seigneur de Gaël-Montfort-Montauban. L'expédition d'Angleterre en effet lui a réussi : Guillaume le fait roi d'East Anglia, territoire qui forme un large péninsule située au nord-est de Londres, sur la Mer du Nord et contenant les comtés de Norfolk et Suffolk. (3)

            Malgré l'amitié, l'intérêt et les obligations qui existent entre les deux hommes, des nuages finissent cependant par assombrir leurs relations. Raoul a hérité de sa mère les possessions de Gaël et de Montfort en Petite-Bretagne. De son côté, en 1075, Roger de Breteuil, fils de William Fitz Osbern, autre compagnon de route et de gloire de Guillaume, comte de Hereford et de Shrewsbury, propose sa sœur Emma en mariage à Raoul de Gaël. Craignant de voir se créer ainsi une trop forte alliance entre ses barons, Guillaume s'oppose à ce projet de mariage, ce qui provoque bien entendu le dépit des deux vassaux. Le mariage est tout de même célébré, à Exning, contre la volonté du roi : la querelle est donc ouverte. On parle d'un complot ourdi par Roger et Raoul, avec l'aide de Waltheof, seigneur d'Exning et de Sven Estrithson, roi de Danemark, pour renverser le roi Guillaume le Conquérant. Le complot est déjoué et les rebelles sont battus. Roger de Breteuil est tué, tandis que Raoul de Gaël parvient à s'enfuir en Petite Bretagne. Ses titres en Angleterre lui sont retirés et ses biens confisqués. De retour en Petite Bretagne, Raoul de Gaël fait construire le château de Montfort, de 1086 à 1091.

            Les intentions de Raoul sont désormais claires et évidentes. Voici ce que dit Paul Zumthor à ce propos : (4)

            " Le retour de Raoul de Wader* en Bretagne y avait allumé une nouvelle guerre civile. Le duc Conan II, mort célibataire une dizaine d'années plus tôt, avait laissé le duché à sa soeur Havoise, épouse du comte de Cornouaille, Hoël. Celui-ci dominait en fait, depuis lors, le pays. Un parti de mécontents avait fini par se grouper autour du comte de Rennes, Geoffroy le Moustachu, bâtard de l'ancien duc Alain III. Dès son arrivée, Raoul jeta ses ressources dans la balance, du côté de Geoffroy. Ces deux associés, unissant leurs troupes, se jetèrent sur le château de Dol, dont ils s'emparèrent. Une partie du duché passait à la révolte ouverte. Hoël, débordé, dépêcha en Angleterre un message au roi Guillaume, lui demandant son aide. La prise de Dol menaçait la frontière normande. Guillaume rassembla un contingent du fyrd anglo-saxon et passa la mer, en 1076. Il mit le siège devant Dol. Entre temps, Raoul et Geoffroy avaient alerté le roi de France, toujours heureux de nuire aux Normands. ... Déjà Philippe Ier s'approchait de Dol, à la tête d'une forte armée. Guillaume en reçut le choc à l'improviste, et plia ...

La guerre des Bretons dura trois années encore; Hoël finit par l'emporter, en 1079 ..."

 

            Raoul de Gaël prend part à la première croisade en 1095 et trouve la mort au siège de Nicée en 1099. Il laisse trois fils : Guillaume, Raoul II, Alain.

 

notes : Paimpont

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