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Première partie

Contexte géopolitique du Roman de Merlin

 

            2. Évolution géopolitique de la Gaule du nord-ouest du IIIè au Vè siècles.

                  Installation de Bretons dans une partie de l'Armorique.

 

            Les réorganisations territoriales

            Les cités du nord-ouest de la Gaule, y compris celle des Ossismes, subissent depuis plus d'un siècle avant l'épisode que nous étudions des mutations importantes, tant civiles, que politiques, militaires, et religieuses.

            Dioclétien, empereur de 284 à 305, subdivise la grande province gauloise augustéenne Lyonnaise en deux nouvelles provinces : la Lyonnaise Première, avec Lugdunum / Lyon pour capitale, et la Lyonnaise Deuxième, avec Rotomagus / Rouen pour capitale (1).

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Subdivisions provinciales de la Gaule, par Dioclétien, entre 284 et 305 .

Extrait de JC Even : Genèse de la Bretagne armoricaine

            Valentinien Ier, quant à lui, vers 375 entreprend de réorganiser les défenses des côtes les plus exposées aux raids des pirates germaniques, à savoir celles de la Manche, en redistribuant les secteurs et les unités militaires. A l'extrême ouest de l'Armorique, en particulier, la cité des Curiosolites est diminuée en profondeur, cédant aux Vénètes une portion de territoire située au nord du confluent de l'Oust et de la Vilaine, mais voyant en contre-partie sa façade maritime armoricaine s'allonger, en gagnant d'une part à l'est sur les Riedones le territoire allant de la Rance jusqu'au Couesnon (2), et d'autre part à l'ouest sur les Ossismes le petit bassin de l'Ic, entre la rivière Gouet et la baie de Keregal, entre les actuelles communes de Plouha et Tréveneuc. Le territoire des Ossismes se trouve donc amputé de ce territoire de l'Ic qui passe aux Curiosolites (3)

 

L'extrême ouest armoricain, avant 383 après J-C.

Extrait de JC Even : Kavell ar Vro.

            L'implantation de Bretons dans une partie de l'Armorique              

            Maxime introduit ensuite, en 385, deux modifications importantes :

            La première consiste à subdiviser chacune des provinces lyonnaises dioclétiennes à leur tour en deux provinces. C'est ainsi que la Lyonnaise Première est subdivisée en : Lyonnaise Première, avec Lyon pour capitale, et Lyonnaise Quatrième (ou Maxima Senonensis), avec Agedincum / Sens pour capitale. C'est ainsi également que la Lyonnaise Seconde est subdivisée en : Lyonnaise Seconde, avec Rouen pour capitale, et Lyonnaise Troisième, avec Caesarodunum / Tours pour capitale (4).

 

Subdivisions provinciales de la Gaule, par Maxime, dès 385.

Extrait de JC Even. Genèse de la Bretagne armoricaine.

                      En ce qui concerne la cité des Ossismes, il introduit une innovation importante, à savoir qu'il la divise, du point de vue militaire, en deux secteurs selon une ligne d'est en ouest, confiant la défense de chacun de ces secteurs à des unités militaires qui l'ont aidé lors de sa prise de pouvoir contre Gratien au printemps de l'année 383 (5) :

            - au nord, il confie la défense à une unité militaire bretonne, détachée selon toutes vraisemblances de la Legio XX Valeria Victrix, basée à Chester (6);

            - au sud, il confie la défense à une unité militaire maure, connue sous le nom de Mauri Osismiaci (7).

            Par la même occasion, il décide de confier la défense militaire de la cité des Vénètes également à une unité maure, connue sous le nom de Mauri Veneti (8).

            Après la défaite militaire de Maxime en Pannonie, suivie de son exécution sous les murs d'Aquilée, le vendredi 25 août 388, le vainqueur Théodose entérine et valide cependant les décisions prises par Maxime auparavant, dans la mesure où celles-ci ont un parfait caractère de légitimité, puisqu'elles ont été élaborées en période de paix intérieure au sein de l'Empire, et entérinées légalement en leurs temps par le Sénat (9).

            Cette zone, ce secteur, attribuée (confiée !) à des Bretons, situé au nord de la cité des Osismes, va du Menez Hom (Cruc Ochidient / Duma Ochidient), situé à l'embouchure de l'Aulne, jusqu' à la source du Leff, qui prend sa source au nord du sommet de Kerchouan (super verticem Montis Jovis), et jusqu'au rivage de la baie de Saint Brieuc, à Keregal, entre Plouha et Tréveneuc, en suivant les contours ouest et nord du bassin de l'Ic, préalablement démembré au profit des Curiosolites, comme nous l'avons vu ci-avant (10).

            Si l'unité militaire maure disparaît sans laisser de traces, il n'en n'est pas de même pour les Bretons qui, en relation permanente avec les unités de l'Ile, peuvent continuer à assumer leurs missions tout en gardant leur spécificité et leur identité nationale. Ce territoire assis sur la moitié nord de la cité des Osismes englobe par conséquent la moitié nord du Pagus Vellavensis (Goelo) (11), l'intégralité du Pagus Tricurius / Tricurinensis (Trégor) (12), l'intégralité de la LetaviaPagus Letavensis (c'est-à-dire le Plateau léonard = le Léon) (13), et le pays de Sizun (Sigedunum ?) (14) jusqu'à l'Aulne. Il faut soulever aussi le fait que Bretons et Armoricains de ce secteur sont issus de races celtiques très voisines, et qu'ils s'interpénètrent, de la façon la plus naturelle qui soit, bien au delà des questions purement militaires, c'est-à-dire aussi bien par relations commerciales, politiques, religieuses, que par mariages. C'est dire à quel point ils ont partie liée.

            Après la disparition de l'élément maure, il est donc facile et logique de désigner chaque territoire selon l'autorité militaire auquel il était soumis :

- la Britannia Minor, c'est-à-dire la Petite Bretagne, pour la moitié nord confiée aux Bretons, (15)

- la Corn-o-Galliae, le 'secteur restant aux Gaulois', c'est-à-dire la Cornouaille, pour la moitié sud demeurée sous contrôle des Gaulois-Ossismes (16).

 

Le principat britto-romain établi par Maxime en 385 dans le nord de la cité ossisme.

Extrait de JC Even : Kavel ar Vro

 

Le Tractus Aremorici et Nervicani. Fin IVè siècle / début Vè siècle

Extrait de JC Even. Genèse de la Bretagne armoricaine.

            Ceci dit, il faut cependant rectifier une erreur d'interprétation fondamentale mais communément commise. En effet, il ne faut pas, sous prétexte d'attribution et de compétence militaire d'un secteur du territoire ossisme à des Bretons, chercher à s'imaginer une rupture de l'unité territoriale et ethnique des Ossismes. Car en fait, cette partition de la cité en deux secteurs n'a de valeur que du point de vue strictement militaire. Elle n'a pas d'effet en réalité sur l'intégrité civile, économique, ni politique de la cité, qui continue de s'appeler la Cité des Ossismes du nord au sud et de l'est à l'ouest, c'est-à-dire de la Manche à l'Atlantique et de l'Iroise jusqu'à l'Oust, pas plus que de son unité religieuse, qui est l'objet, au milieu du Vè siècle, de la mise en place d'un évêché, au même titre que les cités voisines des Vénètes et des Curiosolites (17).

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