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Notes de l'expédition 55 avant J-C

 

            2. Première expédition : fin Août 55 avant JC. (1)

 

            La concentration de l'armée romaine se fait essentiellement à Portus Itius (2), un port situé quelque part sur les côtes du Pas-de-Calais. On y fait venir tous les navires disponibles de la région ainsi que ceux utilisés l'année précédente lors de la guerre contre les Vénètes. Pendant ce temps, César donne pour mission à l'un de ses tribuns militaires, Caius Volusenus Quadratus de faire une reconnaissance maritime de l'Ile. Celui-ci revient au bout de quatre jours.

            Deux légions sont désignées pour l'expédition : la VIIè, légion de vétérans, et la Xè, légion nouvellement recrutée en 58 par César en Cisalpine à ses propres frais. Il leur attribue quatre vingt navires de transport, sans compter quelques navires de guerre qu'il distribue à ses légats et à ses préfets. Il assigne également dix huit transports à la cavalerie. Mais ces derniers seront empêchés par des vents contraires de rallier le port principal. (3)

            Une fois prête, la flotte romaine lève l'ancre vers minuit. Les premiers éléments se présentent le lendemain vers neuf heures du matin devant les falaises de Douvres. Nous sommes le 25 Août 55 avant J.C. (4)

            La surprise est égale de part et d'autre. Les Bretons, bien que prévenus de l'attaque, sont surpris par l'importance de l'armada romaine, tandis que de leur côté les Romains sont surpris de voir la foule de leurs ennemis sur les crêtes des falaises.

 

Les falaises de Douvres, vues du côté est en venant du continent.

Hauteur moyenne : 100 mètres

Photographie JC Even. 1982. Copyrigh

            Jugeant la position peu favorable à un débarquement, les Romains attendent jusqu'à 14 heures environ un courant de marée et un vent propice pour opérer une manœuvre vers l'est où ils savent, d'après les rapports de Caius Volusenus, que la côte est plus abordable (5). A Douvres, le changement de direction des courants de marée vers l'est se fait juste après la pleine mer, c'est à dire dès le début de la marée descendante (6). Les Bretons suivent la manœuvre sans problème du haut des falaises, car beaucoup d'entre eux sont venus sur leurs chariots de guerre et peuvent ainsi se déplacer facilement et rapidement. Finalement, après avoir parcouru sept milles environ vers l'est, soit vers 15 heures, les Romains atteignent l'extrémité orientale des falaises, arrivent à une plage découverte, et commencent les opérations de débarquement. (7)

            Une bataille d'une extrême violence met alors aux prises les belligérants. Les Bretons, qui connaissent parfaitement la configuration des lieux, repoussent les légionnaires vers les bas-fonds, au besoin en les chargeant jusque dans l'eau avec leurs chariots, et les massacrent avant même qu'ils puissent atteindre la terre ferme. Les légionnaires romains, trop pesamment armés, doivent faire face simultanément aux courants de mer, aux vagues déferlantes, et aux assauts des Bretons.

            Voyant que la situation est plus difficile qu'il l'avait envisagée, César fait mettre en batterie les frondes, arcs et balistes, afin d'essayer de dégager ses soldats ainsi empêtrés. Les Bretons se mettent à l'abri des projectiles en prenant un peu de recul.

            Mais la journée commence à s'étirer et les combattants sont toujours face à face, sans pouvoir s'arracher la victoire. Autre problème propre aux combats maritimes dans la Manche, la marée descend de plus en plus et menace de faire échouer les navires et d'en faire des proies faciles pour les Bretons, ou de les renvoyer au large (8). Les Bretons le savent et commencent à exulter, car ils ont la victoire à portée de main. Les Romains sont consternés devant la vision de l'échec. Ignorants de ce genre de combat, leurs chefs désemparés ne savent plus que faire et s'imaginent déjà les conséquences catastrophiques que cet échec aurait sur le moral des troupes et sur les populations gauloises trop brutalement soumises et toujours prêtes à se révolter. Tragique situation que celle de cette armée prise dans son propre piège et qui n'a même pas envisagé de stratégie de repli. De toute façon, il est trop tard pour y réfléchir.

            Or, c'est justement dans le désespoir que l'on trouve les plus grands héros. Perdus pour perdus, s'il faut mourir, que ce soit au moins en combattant. C'est certainement ce qui a dû se passer dans la tête de l'aquilifer de la Xè légion, car celui-ci s'élance hors du navire sur lequel il est embarqué et court sur la grève au devant des Bretons, l'aigle à la main. Voyant cela, ses camarades sautent à leur tour pour ne pas avoir le déshonneur de laisser leur emblème aux mains des ennemis. Nouvelle mêlée, nouveau combat, nouveau carnage. Non plus tellement pour gagner une bataille, mais plutôt pour sauver l'honneur.

            Avec la force et l'énergie du désespoir, les légionnaires romains finissent par se regrouper sur la plage maintenant dégagée par la mer, et retrouvent grâce à cela leurs tactiques de combat habituelle sur terre ferme. En peu de temps ils reconstituent leurs carrés, leur technique favorite, et rétablissent la situation à leur profit. Les Bretons voyant la Fortune changer de camp, se replient rapidement, laissant la plage et la victoire aux Romains. Ces derniers mettent aussitôt la situation à profit pour se construire un camp retranché au bord de la falaise, ce qui leur évite le risque d'être attaquables par l'arrière et leur permet d'établir un point de surveillance sur la plage et le détroit. (9)

            Considérant les nouvelles données, certains chefs bretons viennent le lendemain faire des propositions de paix à César, en lui remettant des otages et en lui rendant Commios, lequel n'est probablement pas étranger dans ce processus de soumission d'une partie des Bretons.

 

Stèle commémorative du 2000è anniversaire du Ier débarquement de Jules César, 

 placée par la Municipalité de Deal sur la grève le 25 août 1946.

Gwenola Even. Août 1982

            Mais la situation des Romains demeure précaire, car ils ont fait la traversée sans cavalerie et quasiment sans vivres ni bagages. De plus, la grande marée qui survient quatre jours après le débarquement met à mal les navires échoués sur la grève, et empêche à nouveau la cavalerie de traverser. Celle-ci est éparpillée dans le détroit et est contrainte une nouvelle fois à rebrousser chemin et à revenir à son point de départ.

            Se rendant compte de la situation réellement précaire des Romains, les Bretons se concertent à nouveau et passent à la contre attaque en prenant en embuscade des éléments la VIIè légion partis couper le blé et chercher du ravitaillement. Ceux-ci sont sauvés de justesse par César venu à la rescousse. (10)

            Le mauvais temps qui s'installe à demeure pour quelques jours met un terme provisoire aux hostilités, retenant les légionnaires au camp dans des conditions probablement de plus en plus difficiles du fait de leur manque d'approvisionnement alors que les Bretons, qui tiennent la campagne, ne cessent de se renforcer par l'arrivée de nouveaux guerriers.

            Dès que le temps redevient clément, les hostilités reprennent de plus belle, et une bataille s'engage devant le camp même des Romains, acculés le dos à la mer. Malgré les assauts répétés, les Romains parviennent à se maintenir, et même à repousser les Bretons, puis rentrent au camp après avoir incendié toutes les maisons du voisinage sur une vaste étendue.

            Quoiqu'il en soit, le corps expéditionnaire romain ne peut aller bien loin, et est virtuellement cloué au camp retranché au bord de la falaise. En fin de compte, considérant avec réalisme cette situation de siège défavorable face aux assauts répétés des Bretons, ne pouvant compter recevoir aucune aide du continent pour pouvoir mener à bien une expédition en profondeur, et voyant leurs subsistances diminuer dangereusement, les chefs romains décident d'abandonner la position et d'effectuer une opération de repli.

            Le 13 septembre, en pleine nuit, ils donnent l'ordre d'évacuer le camp et de remonter dans les navires qui leur restent pour regagner la Belgique continentale. Cette expédition aura duré 18 jours. (11)

            Malgré ce qu'il est convenu d'appeler un échec, César réussit cependant, par des artifices de langage, à donner à son expédition ratée l'image d'une éclatante victoire, à tel point que le sénat romain décide de lui rendre hommage triomphal en décrétant 20 jours d'actions de grâce. (12)

Notes de l'expédition 55 avant J-C

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