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Chapitre XIV

La Bretagne dans l'empire chrétien

( compte tenu de la matière à traiter, ce chapitre est publié en chapitres séparés)

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Constantin II Constance II Constant

            1. Les fils de Constantin. 337 / 350.

            Le grand empereur Constantin étant mort, son vaste empire est alors partagé entre ses trois fils. La Bretagne, les Gaules, la Germanie et l'Espagne deviennent l'apanage de Constantin II, le fils aîné. Quant au cadet, Constance II, il reçoit la Grèce et l'Orient. Constant le troisième et plus jeune fils se voit attribuer l'Italie, l'Illyrie et l'Afrique.

            Cette triarchie ne dure pas longtemps, car au bout de deux ans seulement une querelle s'élève entre Constantin II et Constant à propos de l'Afrique. Constantin pénètre avec une armée en Italie, mais il est défait et trouve la mort à Aquilée, en 340. De ce fait, Constant étant le vainqueur devient le seul maître de l'Occident.

            Pour autant qu'on en sache, la préoccupation principale de Constant a été de s'assurer de la sécurité des frontières, véritable obsession des empereurs successifs, en visitant et en renforçant au besoin les systèmes de défense contre les Barbares. Ainsi, on sait qu'il se trouve en Bretagne à la fin de l'hiver 342-343, sans que l'on puisse malheureusement en dire d'avantage. (1)

            Si l'Histoire reste à peu près muette sur les faits politiques, administratifs et militaires de Constant, elle nous en a transmis par contre le portrait peu édifiant d'un être tyrannique, débauché, odieux et pervers à tel point qu'un historien a pu écrire : " ... il mit le comble à l'infortune de toutes les provinces qui dépendaient de lui ...".

            Au bout de dix ans de tyrannie, " ... les gens de la Cour, excédés par cette situation ..." finissent par en avoir assez et décident de s'en débarrasser. (2)

 

            2. Usurpation de Magnence. 350 - 353

            Le complot qui se trame est confié à Marcellin, intendant des Finances, et à Magnence, commandant de la Garde de l'empereur, composée d'unités d'élites, les Joviens et les Herculiens. Au cours d'un banquet donné à Augustodunum / Autun, en Gaule, Magnence apparaît aux convives revêtu des habits et des insignes impériaux. C'est le début de l'usurpation. (3)

            Aussitôt Magnence voit se rallier à lui les commandants des forces armées d'Occident et en particulier Fabius Titianus, préfet des Gaules. Par ce fait, c'est toute la Marine de Bretagne, la Classis Britannica, qui rallie le nouvel empereur proclamé, et il ne fait aucun doute que le dux de Bretagne lui-même et l'ensemble de ses légions ne tardent pas à en faire autant. Bientôt, c'est l'Occident tout entier qui rejoint le camp de la dissidence, par le ralliement de la Germanie, de l'Espagne, de l'Italie, de l'Afrique et, selon certains historiens, de la Cyrénaïque. Le moins que l'on puisse dire est que Magnence a été accueilli plus que favorablement par les peuples d'Occident. C'est dire aussi, en conséquence que je rejet de Constant était immense. (4)

            Qui est donc ce Magnence qui mérite qu'on lui attribue un chapitre dans cette étude .

            En fait, Flavius Magnus Magnentius est issu d'une liaison irrégulière entre un père breton, selon toute vraisemblance un légionnaire, et une mère franque capturée lors d'une expédition au-delà du Rhin. Sa qualité de Breton par son père ne lui ayant cependant pas été reconnue, ni par voie de conséquence sa qualité de citoyen romain, Magnence a donc suivi les conditions sociales de sa mère, et considéré lui-aussi comme un barbare assujetti à l'Empire.

            Il serait originaire de Samarobriva / Amiens. Enrôlé tout jeune dans l'armée impériale, il y fait une carrière rapide et brillante qui lui vaut, comme on l'a vu, de se trouver en 350 à la tête de la Garde personnelle de Constant puis, en ce jeudi 18 janvier 350, co-responsable d'un coup d'état et d'être proclamé empereur par l'ensemble des peuples d'Occident. (5)

            Mais son action en suscite aussitôt une autre, conduite par Vetranion, en Pannonie. L'empereur d'Orient, Constance, alors en guerre contre le roi des Perses Shapor II, ne peut matériellement pas s'opposer à cette nouvelle situation, n'ayant pas les forces nécessaires disponibles, et est contraint de reconnaître au moins provisoirement Vetranion comme auguste, à Mursa, le jeudi Ier mars 350.

            Pour compliquer encore un peu plus la situation, voilà qu'un certain Népotien, de la famille de Constance, s'empare de la Ville de Rome le dimanche 03 juin 350 et s'y fait proclamer auguste à son tour. La Ville est reprise par Marcellin, pour le compte de Magnence au bout d'un mois à peine, et Népotien et ses proches passés par les armes. (6)

            Au mois de décembre 350, Vetranion abandonne la partie et rejoint le camp de Constance (7). Des pourparlers s'engagent alors entre Constance et Magnence. Constance accepte de reconnaître Magnence comme auguste en Occident à condition que celui-ci retire ses troupes d'Italie, considéré comme sanctuaire intouchable de l'Empire. Magnence refuse, et la guerre éclate entre les deux empereurs.

 

Magnence installe son quartier général à Aquilée,

(représentée sous les traits d'une femme stylisée)

Pièce commémorative. Musée d'Aquilée.

            Avant de partir en campagne, Magnence élève son cousin Decentius à la dignité de césar = vice-empereur, avec mission de défendre l'Occident contre les Barbares germaniques contre son absence. Constance, se son côté, procède de la même manière vis a vis de Gallus.

            Ce qu'il est important de noter dès à présent est le grand nombre de barbares présents dans les deux armées rivales. Magnence, du fait de ses origines, compte dans ses armées, outre des citoyens Gallo-romains, Britto-romains, Germano-romains, Espagnols, etc., également des Francs et des Saxons. (8)

            Constance, de son côté, n'hésite pas à pactiser avec des Alamans, ennemis héréditaires de l'Empire, avec mission pour eux d'ouvrir un deuxième front au nord-est, en essayant de prendre ainsi Magnence et Decentius à revers sur leur propre terrain, en les obligeant à bloquer leurs troupes sur les frontières du Rhin. On n'a peut-être pas souligné suffisamment jusqu'à présent cette manoeuvre d'un empereur romain légitime, capable ainsi de la plus haute des trahisons pour parvenir à ses fins. (9)

            Les deux armées finissent par se rencontrer en Pannonie. Les effectifs engagés sont importants de part et d'autre. L'armée de Constance est forte de quatre vingt mille hommes, alors que Magnence ne peut lui opposer que trente six mille. Ainsi, comme on le voit, la loi du nombre est largement en faveur de Constance. (10)

            Dans un premier engagement, l'armée d'Occident, pourtant inférieure en nombre, parvient à prendre en embuscade et battre une grande partie de la cavalerie de Constance, à Adrana (11). Mais par la suite, et on ne sait pour quelle raison, c'est un escadron de cavalerie de Magnence, avec son commandant Sylvanus, qui fait défection et passe à Constance. (12)

            C'est à Mursa, sur la Drave, que se produit le samedi 28 septembre 352 l'une des plus terribles et plus sanglantes batailles de toute l'histoire romaine. Constance y perd en effet trente mille hommes, contre vingt quatre mille à Magnence. Une véritable boucherie ! Il ne reste donc plus à ce dernier que douze mille hommes pour affronter les cinquante mille restants à Constance. Malgré l'héroïque résistance de ses soldats, Magnence est contraint d'abandonner le combat et de se replier sur l'Italie. (13)

            L'hiver qui arrive constitue une trêve dont les deux armées profitent pour se reconstituer. Magnence le passe à Aquilée, au fond de l'Adriatique.

            Il en est de nouveau délogé par les troupes de Constance dès la reprise des hostilités et se replie sur la Gaule où il parvient à se maintenir encore deux ans, après avoir infligé une défaite à l'armée de Constance à Ticinum / Pavie (14). Constance parvient cependant à reprendre une à une les possessions de Magnence. Puis l'Italie, puis l'Espagne, passent du côté de Constance. Il reste donc à Magnence les Gaules, la Germanie romaine, et la Bretagne

            Dans le courant de l'été 353, les troupes de Magnence sont à nouveau écrasées à Mons Seleuci, dans les Alpes méridionales (15). Dans le même temps on apprend que Decentius vient d'être écrasé à son tour par Chnodomaire, un roi Alaman allié de Constance, qui s'empare de presque toutes les places fortes du Rhin. La garde du Rhin a craqué, et des hordes de barbares déferlent à nouveau sur la Gaule.

            Apprenant la nouvelle, et se voyant assailli de toutes parts, Magnence se suicide à Lugdunum / Lyon, le mardi 10 août 353, d'un coup de poignard ou d'épée dans la poitrine, après avoir tué tous ses proches afin d'éviter à ceux-ci la martyre sous les armes de Constance (16). Decentius, dans sa fuite éperdue, finit par se suicider à son tour, à Agedincum / Sens, le mercredi 18 août suivant. (17)

            Ainsi finit de façon tragique l'épopée du fils illégitime d'un Britto-romain et d'une Franque, et qui a été empereur romain d'Occident pendant trois ans et demi. (18)

notes : l'empire chrétien

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