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Le début du Bas Empire en Bretagne

( compte tenu de la matière à traiter, ce chapitre est publié en chapitres séparés)

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Lucius Septimius Severus

            Reprise en mains par Sévère.

            Nouvelle guerre contre les tribus du nord de la Bretagne. 197 - 208

            Les tribus du nord, voyant l'empire romain déchiré par des guerres intestines, voient aussi l'opportunité de s'attaquer une nouvelle fois à l'envahisseur. Aussi, dès qu'Albinus a affaibli les défenses du Mur en retirant des troupes pour aller guerroyer en Gaule, on assiste à un formidable soulèvement généralisé de la Bretagne du nord, englobant une partie du haut pays brigante et probablement le nord de l'actuel Pays de Galles, avec une telle violence que le Mur d'Hadrien, l'importante forteresse d'Eburacum / York, et un grand nombre d'autres forts sont envahis et détruits de fond en combles. Seules quelques petites villes fortifiées par Albinus doivent leur salut à leurs murailles. La situation des Romains est quasiment renversée dans l'Ile, durant l'affrontement d'Albinus et Sévère sur le continent. (7)

            Aussi, dès qu'il se trouve seul maître du pouvoir, Septime Sévère confie à Virius Lupus le gouvernement de la Bretagne et le soin de reconquérir le terrain perdu, en y rétablissant l'ordre et l'autorité romaine.

            Celui-ci parvient, par une extrême ténacité, à reprendre l'une après l'autre toutes les places stratégiques et à réoccuper le Mur passoire. Cette reconquête dure près de cinq ans. Mais le plus difficile reste encore à faire car, pendant les dix années qui vont suivre, les Romains vont être contraints de consacrer leur temps à la remise en état du Mur, des forts, ainsi que de la forteresse d'Eburacum, reconstruite entièrement à partir des fondations. C'est dire à quel point la situation a été particulièrement grave. Par la même occasion, et pour parer à d'autres éventualités du même genre, Londinium / Londres, la capitale de la province, reçoit elle-même ses premières fortifications, sous la forme d'une forte muraille, de 3,2 kilomètres de longueur, 6 mètres de hauteur, et 2,4 mètres d'épaisseur. (8)

             Cette attitude agressive des tribus du nord vis-à-vis de l'Empire, parmi lesquelles se sont surtout distingués les Maetae, provoque comme il se fallait s'y attendre une reprise en considération par les autorités romaines des traités établis sous Commode.

            C'est pourquoi le gouverneur Alfenius Senecio n'hésite pas, en 206, à organiser une expédition punitive au-delà de la frontière, jugeant qu'il est nécessaire " ... soit de disposer de plus de troupes pour renforcer la zone frontière, soit une expédition impériale ...".

            Son appel est entendu à Rome et c'est la raison pour laquelle, en 208, l'empereur Septime Sévère en personne vient en Bretagne, accompagné de ses deux fils, Bassianius et Geta, à la tête d'une armée, et entreprend les préparatifs d'une guerre totale contre les insoumis du nord. (9)

               Cette même année 208, les légions romaines sont à nouveau sur l'ancien mur d'Antonin qui avait été abandonné et détruit. Elles le reconstruisent sous le nom de Mur de Sévère. Plus en avant est construite une nouvelle forteresse de légion, sur l'ancienne ligne des forts d'Agricola, sur le site d'Horrea Classis. Elle reçoit le nom Britannica, et reçoit en garnison six cohortes de la Legio VI Victrix, soit trois mille six cent hommes environ. Dans le même temps, l'ancien fort de Cramond, près de l'embouchure de la Tava / Tay reprend lui-aussi du service. Le système ainsi établi permet une surveillance maritime soutenue sur les Hautes Terres sans que les hommes en poste risquent de tomber dans des pièges faciles à tendre par les Bretons du nord en ces rudes pays montagneux.

            Enfin, au bout d'une guerre sans merci, les Caledones sont à nouveau contraints à une reddition sans conditions. (10)

            Mais la guerre n'est pas finie pour autant et la paix n'est pas d'avantage acquise car, dès l'année suivante a lieu un nouveau soulèvement chez les Maetae, qui entraîne une nouvelle fois, comme on peut s'y attendre, une campagne punitive de la part des Romains.

            Cette fois-ci l'exaspération est poussée à l'extrême de part et d'autre. Le pays est mis une nouvelle fois à feu et à sang. Une fois de plus, la Bretagne du nord est entrée dans le cycle infernal de la guerre à outrance, sans pitié ni prisonniers.

          C'est alors que la nouvelle se répand que l'empereur Septime Sévère vient de décéder à Eburacum / York, en 211. Des rumeurs laissent à penser qu'il aurait été empoisonné par son propre fils aimé Bassianus. (11)

            Le pouvoir impérial romain échoit donc aux deux fils de Septime Sévère. Mais cette dyarchie ne dure pas longtemps car Bassianus, atteint à son tour par la folie du pouvoir, se débarrasse de son frère en le poignardant lui-même dans les bras de sa propre mère (avec laquelle dit-on, il entretenait un certain commerce), en 211. (12)

          Voulant en finir maintenant une bonne fois pour toutes avec cette guerre interminable en Ile de Bretagne, Bassianus, qui se fait couramment appeler Caracalla, prend en 212 des décisions d'une extrême importance pour la suite de l'histoire de l'empire romain.

          Il publie en cette année 212, à Mediolanum / Milan, un édit qui donne désormais la citoyenneté romaine d'office à tous ceux qui vivent sur les terres de l'empire romain, de la Bretagne à l'Orient, en passant par la Germanie, l'Espagne, l'Afrique, l'Égypte, la Grèce, etc. (13)

            La première décision concernant la Bretagne consiste à la diviser en deux provinces distinctes. Celle du sud, province civile, portera désormais le nom de Britannia Superior, elle aura pour capitale Londinium / Londres, et englobera toutes les tribus belges, les Damnonii du sud-ouest, les Dobunni, et les tribus des montagnes de l'ouest (actuel Pays de Galles). Celle du nord, province militaire, portera le nom de Britannia Inferior, elle aura pour capitale Eburacum / York, et englobera les Brigantes, Coritani, Cornovii, le tout jusqu'au Mur d'Hadrien.

ci contre, schéma extrait de Roman Britain, de Peter Salway

            La seconde décision est d'établir avec les tribus insoumises du nord un traité formel : les légions reviennent sur le Mur d'Hadrien, à condition que celui-ci soit définitivement reconnu comme frontière officielle, et sous la réserve expresse que la zone comprise entre les deux murs sera désormais traitée en protectorat et devra supporter la présence de plusieurs postes avancés, appelés exploratores. (14)

            Il semble également, bien que nous n'ayons pas de preuves archéologiques formelles, que Caracalla soit à l'origine de la construction de plusieurs forts côtiers du sud-est de l'Ile, et en particulier celui de Regulbium / Reculver.

            Est-ce parce qu'il est né en Gaule (15) et qu'il a pu grâce à cela se faire comprendre des populations, ou est-ce parce qu'il est cruel et sans pitié et qu'il a par sa violence dissuadé pour un bon moment les hommes du nord de s'attaquer à l'Empire, toujours est-il que ces mesures draconiennes vont avoir pour effet de rétablir la paix en Bretagne, et que cette paix va durer près d'un demi-siècle.

notes : 192-212

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