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Histoire Istor

 

Ogée. 1779 : 

Vitré; aux bords de la Vilaine et sur le penchant de deux collines, par les 3°33' de longitude, et par les 48°8' de latitude; à 7 lieues 3/4 à l'E. de Rennes, son évêché.

Quatre grandes routes aboutissent à cette ville, qui est considérable par son  étendue ; elle est plus longue que large, et se termine d'un bout par le château , qui est de figure triangulaire et flanqué de trois grosses tours fort hautes, dans les trois angles, et de plusieurs autres moins grosses sur les côtés. La ville n'a qu'un simple mur et trois portes. On y remarque une église collégiale; trois paroisses qui sont : Sainte-Croix, dont la cure est à l'ordinaire; Saint-Martin, dont la cure est à l'alternative ; et Notre-Dame, aussi à l'alternative; les couvents des Bénédictins, des Augustins, des Jacobins, des Récollets, des Bénédictines, des Hospitalières, des Ursulines, et l'hôpital; une maison de retraite, un collège, une juridiction des traites ; une communauté de ville, avec droit de députer aux États de la province; une subdélégation, et les postes aux lettres et aux chevaux. On y compte 8,000 habitants. Il s'y tient un marché le lundi de chaque semaine et plusieurs foires par an. Ses armes sont de gueules au lion d'argent. Il s'y exerce plusieurs juridictions, savoir : la baronnie de Vitré, haute-justice, à M. le duc de la Trimouille ; cette juridiction ressortit directement au Parlement, comme haute-baronnie de la province, donnant le droit de présider aux États; les traites et gabelles, haute-justice, au roi; Bourg, haute-justice; Launaye, idem; le Plessis, idem; Rouvraie, idem; et Trozé, idem, à M. du Plessis d'Argentré; Baudière, haute-justice, à M. de Cucè; la Bouessière, haute-justice; le Châlelet, idem ; le Vau-Fleuri, idem, à M. Hay de Nétumières; le prieuré de Sainte-Croix, haute-justice, à M. le prieur titulaire; la Charronnière, haute-justice, et Roussière, idem, à M. la Moine de Grand-Pré; Saint-Sulpice, haute-justice, à Mme l'abbesse de Saint-Sulpice; le Temple de La Guerche, haute-justice, à M. le commandeur de La Guerche ; la Motte , moyenne-justice, à M. Frain de la Motte ; Plessis, moyenne-justice, à M. de Langle; la Bichelière, moyenne-justice, à M. Fournier; la Berue, moyenne-justice , à M. de Kersans; la Corbinaye, moyenne-justice, à M. Vauhoudain-Leziart; Baillé, basse-justice, au chapitre de Vitré; le prieuré de Saint-Serge, basse-justice, aux bénédictins de Saint-Serge d'Angers; Gazon, moyenne-justice, à M. Grimaudet; Saint-Yves, basse-justice, aux hospitalières de Vitré; la Guichardière, moyenne-justice, à M. de Kerambert; la Grande-Verge, basse-justice, à M. Bouverie de Gérard.

Malgré son éloignement de la mer, la ville de Vitré est très-commerçante. La principale branche de commerce consiste dans de grosses toiles de chanvre, dont les Anglais enlèvent une grande quantité pour leurs colonies d'Amérique, et qu'on emploie aussi à faire de petites voiles pour la navigation et l'emballage des marchandises. L'occupation des femmes et des filles est de faire des bonnets, des bas, des gants de fil, etc., qu'on envoie dans les Indes ou en Espagne. Le séjour de cette ville est très agréable ; une position avantageuse, un air pur , le beau spectacle de la nature, y charment les étrangers. A la sortie de la ville est un très-beau parc, qui sert de promenade aux habitants.

On lit dans Morérice qui suit : «Vitré, en latin Vitriacum ou Vitruviacum, ville fort ancienne», bâtie long-temps avant Jésus-Christ, par Vitruvius, troyen de nation. Elle reçut la foi l'an70 de Jésus-Christ, par saint Clair, évêque de Nantes.» Ces deux assertions nous paraissent également fausses. La première n'est qu'une conjecture dénuée de vraisemblance, sans fondement, sans preuve. La seconde est détruite par mille raisons alléguées dans cet ouvrage en différents articles. (Voyez Nantes, ou l'on prouve que saint Clair n'existait que dans le troisième et non dans le premier siècle de l'Église). Quelle que soit son origine, il est probable que Vitré existait dans l'antiquité la plus reculée, et qu'elle était un des pagi ou bourgades des Rennais. Il est aussi probable qu'elle reçut de saint Clair les premiers documents de l'Évangile. L'histoire nous apprend que ce prélat y purifia deux temples, dont l'un, consacré au dieu Pan, était situé au bord de la Vilaine , dans l'endroit ou est actuellement le couvent des Augustins; et l'autre, consacré à Cérès, était dans l'endroit qu'occupé aujourd'hui l'église paroissiale de Notre-Dame. Toutes ces circonstances, rapportées par d'anciens historiens, ne méritent pas une entière confiance. On ne les rapporte que pour la fidélité de l'histoire.

Les premiers seigneurs de Vitré ne sont pas bien connus; quelques-uns les font descendre d'un Martin, comte de Rennes , dont l'existence n'est pas prouvée. Néanmoins, tous les historiens de Bretagne s'accordent à dire que la maison de Vitré était une branche de celle de Bretagne, et il n'est pas possible de nier un fait si généralement reconnu. Le premier dont on ait connaissance est Rivalon le Vicaire, fils ou petit-fils d'un comte de Rennes. On lui donne quatre enfants , dont l'un mourut sans postérité ; les autres firent les branches de Vitré et d'Acigné. Leur mère, épouse de Rivalon le Vicaire, qui prenait le titre de vicomtesse de Rennes , fonda dans le onzième siècle le couvent des pères Augustins. Robert, baron de Vitré, et Berthe de Craon, son épouse, donnèrent en 1097, du consentement de leurs enfants, un vieux château et le terrain sur lequel il était bâti, aux moines de Marmoutiers. Ces religieux y bâtirent un monastère pour quatorze moines , et ce monastère forme maintenant le prieuré de Sainte-Croix (1).

Robert eut de son mariage deux enfants, André et Robert. André, l'aîné, épousa Agnès de Montrelais  (de Morlaix; le nom latin de cette ville étant Monte Risaluo, a trompé Ogée). En 1116, il ôta l'église de Notre-Dame aux chanoines qui la possédaient, et qui, par leur conduite déréglée , scandalisaient tout le peuple. Cette église fut donnée aux moines de Saint Melaine , qui en prirent sur-le-champ possession , et qui y vécurent tranquilles jusqu'à la mort du baron André, arrivée en 1135. Les moines exilés revinrent alors pour rentrer dans leur héritage, mais leurs efforts furent inutiles, et ils furent contraints de se retirer. Robert [Robert II], fils et successeur d'André, fut maître dur et barbare. Il traita ses sujets avec tant de cruauté, que le duc, après lui en avoir fait de sanglants reproches, lui ordonna de tenir à l'avenir une conduite plus modérée, et de réparer le mal qu'il avait fait. Celui-ci s'étant moqué du duc, le prince, indigné, marcha contre lui [1136], se saisit de ses places , et l'obligea à aller chercher un asile chez le baron de Fougères. Le duc, maître de Vitré , et le pape, qui avait été fortement sollicité à cet effet, pressèrent Hamélin, évêque de Rennes, de remettre les chanoines expulsés en possession de leurs biens, ce qui fut exécuté. Mais ces moines ne se conduisant pas mieux après leur châtiment qu'auparavant, ils furent encore chassés et les moines de Saint-Melaine leur succédèrent.

Cependant Conan, qui voulait pousser à bout le baron de Vitré, résolut de gagner le baron de Fougères , son protecteur , et il y réussit, en lui donnant la terre de Gahard et une partie de la forêt de Rennes. Robert, abandonné [Robert II], se retira chez Juhel, seigneur de Mayenne, que le duc gagna encore, en lui faisant épouser Constance , la plus jeune de ses filles, a qui il donna la baronnie de Vitré pour dot. Le baron de Vitré, encore chassé, eut recours au seigneur de Laval, son cousin-germain ; qui lui aida à faire la guerre à ceux qui tenaient la baronnie de Vitré; mais il se lassa, et fut aussi séduit par les présents du duc. Pour dernière ressource , il ne restait plus au ...

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(1) Nous avons cru qu'il valait mieux rétablir dans notre article toute la généalogie des barons de Vitré qu'annoter pas à pas notre auteur, qui a commis beaucoup de méprises.

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... baron que Guillaume de La Guerche, aussi son parent, qui lui fut enfin fidèle , et le servit avec beaucoup de chaleur. Les ravages que ces deux seigneurs faisaient forcèrent le duc à faire des levées et à entrer en campagne. Le seigneur de La Guerche et Robert, qui n'avaient pas de forces suffisantes pour se mesurer avec le duc, se mirent en embuscade dans les bois. Ils avaient avec eux André, fils de Robert, Thebaud de Mathefelon, son gendre, et le seigneur de Candé. Les troupes du duc filaient en désordre sur le pont de Visseiche , dans le territoire de La Guerche, lorsque Robert de Vitré , sortant tout-à-coup de son embuscade, les chargea avec vigueur , et les mit en déroute. Le vainqueur profita du bagage du duc, qui fut pris en entier. L'équipage de Judicaël, de Retz, et celui de Geoffroi de Malestroit furent aussi pris, et le tout fut conduit à La Guerche. Quelques bourgeois de la ville de Vitré, qui avaient aidé le duc à s'en rendre maître, se trouvant la conscience chargée, se rendirent à Rome pour avoir l'absolution du pape. Lucius , qui siégeait alors, leur ordonna de là faire restituer à son seigneur; ce qu'ils firent, par la même ruse dont ils s'étaient servis pour la livrer au duc (1). Robert y rentra, et y fit son accommodement avec le duc, par le moyen de ses amis. Il continua la guerre avec Judicaël , et il la finit par le moyen du mariage de son fils , qui épousa la sœur ou la fille de ce seigneur. Ce baron confirma en 1157 (il était mort alors; son fils André Il prit parti, en 1154, pour Conan contre Eudon, beau-père de celui-ci), la fondation du prieure de Notre-Dame, faite par le baron André en faveur de Saint-Melaine. Robert avait épouse Emme de Dinan, de laquelle il eut (deux) cinq enfants. En 1164, Garanton de Vitre donna à l'abbaye de Saint-Sulpice plusieurs biens, entre autres un morceau de terre, pour y construire une chapelle et un cimetière. André [André II], fils aîné et successeur de Robert [Robert III], épousa : 1° Matilde de Mayenne; 2° Enoquen de Léon ; 3° Eustache de Dais (Eustasie de Retz] ; 4° Laër [Luce] Painel. Robert [Robert III], successeur d'André, avait fait quelques dommages au prieuré de Sainte Croix, fondé par ses ancêtres pour quatorze moines. Les religieux s'étaient plaints à l'évêque de Rennes, qui avait sur-le-champ excommunié ce seigneur. Pour faire lever l'excommunication , il fut obligé d'abandonner pendant dix ans, une rente de vingt livres monnaie, que lui devaient les vassaux des moines ; d'accorder à ceux-ci quelques droits sur les foires de Vitré , et de s'engager a défendre leurs biens envers et contre tous. En 1172, Robert donna la moitié des droits de la foire ...

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(1)  Ils firent passer au baron Robert l'empreinte en cire des clés du château et de la ville. (Chron. de Vitré)

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... Sainte-Biaise au prieuré de Sainte-Croix. L'année suivante fut fondée l'aumônerie de Vitré, qui fut donnée à l'abbaye de Marmoutiers. Robert laissa de son épouse, N. de Dinan , deux enfants , André et Alain. André lui succéda. Rolland , seigneur de Dinan , se voyant sans postérité, institua Alain pour son héritier , à condition qu'il prendrait le nom de Dinan. André (André III) , du nom , fonda, en 1209 , la collégiale de Vitré , dans la basse-cour de son château, et y établit neuf chapelains ou chanoines. Pierre de Dinan , évêque de Rennes, y en établit trois autres. Cette fondation fut ratifiée par l'évêque et le chapitre de Rennes. En 1230, André rendit hommage-lige au roi saint Louis, dans son camp devant Ancenis, pour la baronnie de Vitré, qui est un arrière-fief de la couronne. Le duc Pierre de Dreux, qui avait engagé les barons à faire hommage au roi d'Angleterre, qui se trouvait alors en Bretagne avec une puissante armée, fut très-irrité de cette démarche du baron de Vitré; mais celui-ci, persistant dans sa résolution, fortifia ses places et se prépara à faire une vigoureuse résistance, s'il était attaqué, soit de la part des Bretons, soit de la part des Anglais, qui avaient déjà mis des garnisons dans plusieurs places fortes. Il ne paraît pas qu'il ait été attaqué. En 1237, le duc de Bretagne remit à perpétuité le bail en rachat. André épousa en premières noces Catherine de Thouars (ou de Bretagne, fille de la duchesse Constance], ont il eut une fille nommée Philippe; ensuite Thomasse de Mathefelon [erreur : V. nos notes ci-dessous, paragraphe Histoire féodale], dont il eut André IV, tué a la malheureuse bataille de la Massoure [1250], qui fit périr tant de chrétiens et mit le roi lui-même dans les fers des infidèles. André n'avait point été marié; Philippe, devenue par la mort de son frère baronne de Vitré, épousa Gui de Montmorenci, dit Laval, dont elle eut Gui VII, père de Gui VIII. [Idem.] Celui-ci assista à la bataille de Monsenpuelle [Mons-en-Puelle], en 1304. Gui IX, son fils, seigneur de Laval et de Vitré, eut de Béatrix de Bretagne Gui X, qui mourut sans lignée, et Gui XI, qui ne laissa qu'une fille , nommée Anne , dame de Laval, de Vitré, de Gaure, d'Aquigni, de Châtillon-en-Vendelais, d'Aubigné, etc. Cette riche héritière prit en mariage Jean de Montfort de Kergorlai, qui, par son contrat, s'obligea à porter le nom et les armes pleines de Laval. Il prit le nom de Gui XII, et succéda à tous les biens de la maison de Laval. Son épouse, avant son mariage, obtint du duc Jean V la permission de lever un octroi sur ses sujets de Vitré pour la réparation de sa ville, permission qui fut encore depuis renouvelée en sa faveur; elle fit construire un très-bon rempart pour la défense de cette ville en 1448.

Après la mort de son mari, la baronne de Vitré eut un différend avec Jacques d'Épinai, cet évêque de Rennes si célèbre par la fierté et la fougue de son caractère. Voici quelle en fut l'occasion. A l'entrée des évêques de Rennes, les seigneurs de Vitré avaient le droit de porter un des bras de la chaise du prélat, et, en récompense de ce service, le cheval que l'évêque montait ce jour-là leur appartenait. Les seigneurs d'Aubigné pouvaient aussi s'emparer des vases , vaisselles et ustensiles qui servaient à la cuisine épiscopale le jour de cette cérémonie. A l'entrée de Jacques d'Épinay, la comtesse et son fils , ne pouvant remplir par leurs mains leurs obligations, avaient chargé quelques gentilshommes de leur procuration. Le prélat, qui n'aimait pas la maison de Laval, saisit cette occasion de molester la comtesse ; il retint la batterie de cuisine et le cheval, fit chasser les procureurs de la comtesse et de son fils, et les excommunia. Non content de cela, il fit saisir un des officiers de justice du comte et un de ses vassaux, les fil mettre en prison, et fit maltraiter le vassal parce qu'il avait tenté de s'échapper de son cachot. Le traitement qu'on avait fait essuyer à ce malheureux était si cruel, qu'on lui avait fait des blessures dangereuses, qui exigeaient les soins d'un chirurgien; mais l'évêque , inhumain , ne voulut point permettre de laisser entrer celui qui se présentait pour panser les blessures du paysan. Son ressentiment contre la comtesse fut poussé si loin qu'il fit refuser la sépulture à un autre de ses vassaux qui avait été tué.

La dame de Laval, désespérant de l'apaiser, jugea devoir prendre des mesures pour se garantir des effets de sa haine. Elle porta ses plaintes au Pape, et le supplia de la délivrer de la juridiction de son ennemi. Le Saint-Père, qui connaissait le caractère de l'évêque de Rennes, craignant qu'il ne s'élevât entre les vassaux de l'évêque et ceux de la comtesse une guerre ouverte, scandaleuse et cruelle, ou que le prélat ne commît lui-même des injustices criantes envers cette dame, fit attention à sa requête, et donna une bulle qui portait que, durant l'épiscopat de Jacques d'Épinay, la comtesse , son fils, leurs officiers et leurs vassaux , ne reconnaîtraient d'autre jurisdiction spirituelle que celle de l'archevêque de Tours, et déclara nul et de nulle valeur, sans fondement et sans conséquence , tout ce que l'évêque de Rennes actuel pourrait faire contre eux.

Gui XIII succéda à Raoul de Montfort, son aïeul paternel, aux terres de Montfort, de la Rochebernard, etc. Il eut de sa première femme, Isabeau de Bretagne, Gui XIV, mort sans postérité, et Jean, père de Gui XV, gouverneur et amiral de Bretagne, qui de sa première femme, Charlotte d'Arragon, princesse de Tarente, fille aînée de Frédéric, roi de Naples et de Sicile, eut Anne de Laval, mariée en 1521 à François de la Trimouille, dont sortit Louis, IIIè du nom, premier duc de Thouars, prince de Talmond , qui épousa Jeanne de Montmorenci, de laquelle naquit Claude, duc de Thouars, époux de Charlotte-Brabantine de Nassau, et père de Henri, duc de Thouars. Celui-ci prit en mariage, en 1619, Marie, seconde fille de Henri, duc de Bouillon, prince de Sedan, vicomte de Turenne, maréchal de France; présida à l'ouverture des États de Bretagne, le 17 septembre 1636, et  mourut en 1674. Henri-Charles, son fils et son successeur, épousa Amélie, fille du prince souverain de Hesse-Cassel, de laquelle il eut Charles-Belgique-Holland, qui épousa l'héritière de Crequi, de laquelle il eut Charles Bretagne, duc de Thouars, marié , en 1717 , à Marie-Magdeleine de la Fayette, qui lui donna un fils, nommé Charles-Armand-René, duc de Thouars, prince de Tarente et de Talmond, baron de Vitre, etc.

En 1400, le territoire de Vitré renfermait plusieurs maisons nobles, savoir : la Galionaye, à Jean du Maz; le Gast, à Pierre de Mebernard; le Plessis, à Jean Javignier; Chantelon, à Jeanne de la Patrière; l'Aunai et Pontbillon, au seigneur de Vitré ; les métairies des Rochières, du Boullai, de la Ferrière, de la Baillerie, de la Marre, de Clerheult et de la Billonière, à Guillaume de Sévigné; la Morandière et la Ripuière, à Robert de Préauvay; la Haute-Morandière, à Gilles Sanczon; la Ruelle, à Jean le Vover; la Chesnelière, à Jean Tehel ; le Pont-Josselin, à André Rabault, et la Basnerie, à Jean Hardi.

En 1462, le duc de Bretagne établit à Vitré des ouvriers en soie, qu'il avait fait venir d'Italie. Par délibération des États , assemblés à Vitré en 1477, il leur fut accordé un moulin. Le duc leur accorda des privilèges de naturalité, et leur assura sa protection, tant pour eux que pour leur famille. — En 1488, Gui, comte de Laval, remit la ville de Vitré entre les mains du roi Charles VIII. Il usa de ruse pour exécuter ce projet : il introduisit, par une poterne, dans son château , les troupes françaises , qui n'eurent pas de peine à se rendre maîtresses de la ville, malgré les habitants.

En 1588 , le duc de Mercœur, qui avait déjà formé des projets, tâchait de s'emparer des villes de Bretagne. Il venait de se saisir du château de Blain ; mais il y avait en Bretagne une ville bien autrement importante pour lui. Vitré était la seule place qu'on pût dire être du parti huguenot dans la province. Ne se sentant pas en état de la réduire par la force, il eut recours à la ruse, qui ne lui réussit pas. Les choses en restèrent là, parce que la rupture n'avait pas éclaté; mais, dès que Mercœur eut pris le parti de faire la guerre au roi, il résolut d'assiéger Vitré dans les formes. Cette ville était alors d'autant plus attachée au parti de la réforme, qu'elle était gouvernée par un seigneur de la maison de Coligni : aussi la religion calviniste y avait-elle fait de si grands progrès, qu'elle avait, au milieu de la ville, un prêche spacieux, qui sert encore aujourd'hui à l'assemblée des États, lorsqu'ils se tiennent en cette ville ; de sorte que la comtesse de Laval, mère du jeune seigneur, n'eut pas beaucoup de peine à conserver les habitants dans leur opposition à la Ligue. Nous avons dit que Vitré n'avait que trois portes. Les deux qui sont aux deux bouts de la ville, à l'orient et au couchant, sont défendues par deux tours et par un ravelin qui les couvre. La troisième , qui est vers le milieu , à l'aspect du midi, est nommée la porte Gastecel; elle n'a point d'autre défense que la tour de Sévigné, qui est auprès. La place est entièrement commandée, du côté du midi, par le terrain , qui s'élève insensiblement. Le côté du levant, où est la porte d'enhaut, est fortifié par une fausse braye. Enfin, le côté du nord est un vallon escarpé et peu large, qui sert de fossés à la ville : ces fossés font le lit de la Vilaine, qui n'est pas fort considérable en cet endroit, et qui se divise en plusieurs bras que forment les petites prairies qui sont sur ses bords. Aux pieds du château sont des moulins à eau. Le duc de Mercœur se trouva fort embarrassé pour former ce siège, parce qu'il n'avait que peu de canons et de munitions, qu'il avait fait venir de Fougères; mais il y avait peu de gens dans la ville en état de la défendre. La rigueur des édits en avait éloigné la plus grande partie des protestants, qui n'avaient pu revenir depuis que le roi s'était réuni à eux. Cependant, comme on était instruit des intentions du duc de Mercœur, la comtesse de Laval avait eu la précaution de faire entrer dans la ville la noblesse des environs, à la tête de laquelle se trouvait René de Montbourcher, seigneur du Bordage ; elle l'avait aussi pourvue de vivres et de munitions pour long-temps. Les assiégeants se logèrent sans peine dans les faubourgs, dont ils bouchèrent les avenues en dehors et en dedans. Leur premier soin fut de mettre leurs canons en batterie , sur la hauteur du champ de Sainte-Croix , qui est au midi de la ville. C'était l'endroit le plus faible, le fossé n'était pas profond, et le pied de la muraille était vu de la hauteur ; mais aussi cet endroit était vu de la grosse tour du château, dont il eût été difficile de ruiner le flanc. La première sortie des assiégés fut heureuse ; ils tuèrent un gentilhomme du voisinage, nommé du Taillis, et en prirent un autre, qui leur apprit que les assiégeants avaient changé de dessein, et que leur intention était d'attaquer la place par le coin de la tour des prisonniers, qui est plus haut, du même côté. Ils y pointèrent effectivement leur batterie, et leur canon , donnant un jour dans l'escalier de la tour, emporta les deux cuisses du sieur du Lac, commandant de la place, qui mourut sur-le-champ de sa blessure. Le seigneur du Bordage lui succéda. Quoique les assiégeants ne fissent pas beaucoup de progrès, vu leur petit nombre, les assiégés, après sept semaines, craignant enfin de succomber, voulurent essayer s'ils ne pourraient pas tirer du secours de Rennes. Deux de leurs capitaines descendent, pendant la nuit, avec des échelles de cordes, par dessus la muraille du nord, passent la rivière à la nage, et se rendent à Rennes par des chemins détournés. Ils s'adressèrent aux seigneurs de la Hunaudaie et de Montbarot, qui tinrent un conseil secret dès le soir, et qui résolurent d'envoyer un renfort, commandé par Lavardin, La Tremblaye et Montbarot. Ils partirent avec environ sept cents chevaux, et arrivèrent, par des chemins détournés, au point du jour, sur les hauteurs appelées les Terres noires [les Tertres noirs], près le faubourg de Rachapt, au nord [à l'ouest] de la ville, sans que les ennemis s'en fussent aperçus. Ils marchèrent sur-le-champ à l'attaque, et se rendirent maîtres du faubourg, mais ils ne purent se saisir des autres. Les ennemis, ayant reconnu leur petit nombre, tinrent ferme, firent sonner le tocsin dans les paroisses voisines , et virent arriver une foule de paysans sous leurs drapeaux. Le secours, ne pouvant faire lever le siège, entra dans la ville. Ce renfort devait désespérer les assiégeants ; cependant ils n'en poursuivirent pas moins vivement leurs attaques. Les auxiliaires ne restèrent pas aussi très-long-temps à Vitré : les chefs, craignant pour Rennes, où ils n'avaient laissé que peu de troupes , prirent le parti de décamper. Ils firent construire, pendant la nuit, au son du tambour, afin de n'être pas entendus, un pont sur la rivière, et sortirent par la porte Gastecel. Heureusement pour Vitré, il ne passa qu'une partie des troupes; le pont s'étant rompu, le reste fut contraint de demeurer dans la ville. Montbarot et La Tremblaye furent de ce nombre; et, comme dans la suite ils manquèrent de fourrage, ils firent sortir leurs chevaux un à un par une fausse porte qui donne sur la rivière, et, dès qu'ils paraissaient, ils les tuaient à coup d'arquebuse , afin d'empêcher les ennemis d'en profiter. Depuis ce temps, cette porte s'appelle la porte aux Chevaux. Lavardin ne se rendit à Rennes que sur le soir, encore ne fût-ce qu'avec bien de la peine, ayant trouvé sur sa route les paysans accourus au son du tocsin. Le duc de Mercœur, qui avait donné le commandement du siège à Talhouet, s'y rendit enfin lui-même, dans l'espérance que la place ne tiendrait pas long-temps devant ses troupes. En conséquence, dès qu'il fut arrivé, il ordonna de faire une nouvelle attaque, au nord et à l'orient de la ville, à l'une des extrémités, entre la tour qui fait le coin et les deux tours voisines. Voyant que son artillerie ne faisait point d'effet, il donna ordre de miner sur-le-champ la tour du coin ; mais, la mine ayant été éventée, la tour n'éprouva d'autre dommage qu'une légère commotion qui la fendit. Désespéré de voir ses projets si mal réussir, il fit continuer l'attaque du nord , et parvint à faire une brèche à la courtine, entre les deux tours, dont il ruina les flancs, ainsi que celui des autres tours qui pouvaient l'incommoder. On voit encore l'endroit de la brèche, qui a été réparé, avec une inscription (1); mais les flancs des tours ne l'ont pas été;  on a jugé plus a propos de faire des ouvrages en dehors. Pendant que durait cette attaque, que les assiégeants ne poussaient pas vivement, faute de canons, le due de Mercœur roulait d'autres projets dans sa tête. Il fit piller Châteaugiron et le bourg de Saint-Helier de Rennes, espérant que, par le moyen de ce tumulte, ses amis pourraient occasioner une révolution en sa faveur, et introduire des troupes dans la
ville; mais il ne put réussir (2). Il ne fit pas donner d'assaut, à sa nouvelle attaque; et d'ailleurs il n'était pas facile d'y monter. Cet assaut ne pouvait même que lui être funeste, parce que les assiégés, désespérant de pouvoir défendre leur ancienne muraille, criblée de coups de canons, en avaient bâti une autre très-forte derrière celle-ci. Ces difficultés et l'arrivée du prince de Dombes à Rennes déterminèrent le duc à lever le siège, après avoir pillé et brûle les faubourgs, et cassé , à coups
de canons, la cloche de l'horloge. Le siège ne cessa pas par la retraite du duc de Mercœur : les paysans tenaient toutes les avenues fermées et ne laissaient entrer aucuns vivres. Montsoreau partit de Rennes avec des troupes, et réduisit ces paysans à l'obéissance. 

Le 3 août de l'année suivante, peu s'en fallut que Vitre ne tombât au pouvoir de la Ligue. Guillaumc de Rosmadec-Meneuf, gouverneur du château de Vitré, gentilhomme très-affectionné au parti du roi, y avait laissé , en son absence, son beau-frère pour son lieutenant, celui-ci ne fut pas à l'épreuve des propositions du  duc de Mercœur, et voulut faire entrer dans le complot quelques-uns des officiers, qui, ayant rejeté avec mépris cette trahison, furent sur-le-champ chassés de la place. La difficulté était d'introduire les ennemis dans le château, qui n'a de communication au dehors que par un petit souterrain, du côté de la rivière, ou un
seul homme peut passer. Ce fut cependant le seul endroit qu'il put trouver pour l'exécution de son dessein. Heureusement, au jour convenu avec les ligueurs, ceux que le traître avait chassés trouveront le moyen d'avertir un capitaine de la ville, nomme Ballon. Le temps pressait; car, dans le moment, celui-ci, ayant .../...

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I) Cette inscription a été conservée, grâce aux soins de notre ami, M. Pollet, mort bibliothécaire de la ville Vitre. Elle était ainsi conçue : Ceste. place. fust. assiégée. le. 22. de mars; la présente. breche. fust. faite. le. 23. de juin. le. dict. siège. fust. levé. le 14. d'aoust. par. la. crainte. de Henry. de. Bourbon. prince. de Dombes. la. dicte. brèche. refaite. le... bre. 1589. Henry. roy. de. France. et. de. Navarre.

2) Ogée se trompe. Ce fut en 1592, et non en 1589, que Mercoeur ruina  Châteaugiron, se dirigeant sur la Basse-Bretagne. D'ailleurs, cette affaire n'eût pu exercer aucune influence sur le siège de Vitré.

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... /... jeté les yeux dehors, aperçut Saint-Laurent qui poussait devant lui environ soixante hommes vers le souterrain. Il courut sur-le-champ sur la contrescarpe , et vit le grand pont et la planche levés. Il ne perdit point la tête dans ce péril pressant; il conçut le plus hardi projet dont on ait jamais eu d'exemple, et l'exécuta avec beaucoup de courage. Il se fit apporter un pétard et une échelle, avec laquelle il descendit dans le fossé, qui est profond et à fond de cuve, suivi de sept à huit hommes. Il planta son échelle contre le pilier de la muraille, entre les deux ponts, exposé aux arquebusades qu'on lui tirait des mâchicoulis, et dont il ne fut que légèrement atteint, puis, à la faveur de la petitesse de son corps, il se glissa entre la planche et la petite porte, y attacha son pétard, auquel il mit le feu avec une fusée assez courte, et se retira promptement, pour se placer le mieux qu'il put à côté du grand pont, afin d'éviter les éclats. Le pétard réussit, emporta la planchette dans le fossé et la petite porte en dedans du château. A l'instant, il se jeta dans la place, suivi de trois hommes seulement. Le traître, qui l'attendait, lui tira deux coups de pistolets, desquels il fut blessé ; mais ce perfide ayant été tué, ceux qui  l'accompagnaient, étonnés de la valeur de Rallon, se rendirent à lui. Les autres, qui étaient à recevoir les soldats de Saint-Laurent, croyant Rallon mieux soutenu, prirent la fuite, et se retirèrent en lieu de sûreté. Le lendemain fut employé à la punition des plus coupables. Depuis ce temps, Vitré ne fut plus inquiété, et resta paisible sous l'obéissance du roi (1).

Les Révérends Pères Récollets furent reçus à Vitré, en 1610, par les habitants de cette ville; établissement qui fut confirmé par arrêt du Parlement, l'an 1611. — En 1621, le couvent des Pères Jacobins fut fondé, dans le faubourg de Saint-Martin de Vitré, par le seigneur de Nétumières. — Les États s'assemblèrent à Vitré en -1655, 1665, 1671 , 1673, 1679, 1683, 1697 et 4705 (2).

L'exactitude avec laquelle on doit rendre justice à tous les hommes célèbres ne permet pas d'oublier M. René-Jacques de Garengeot, de la Société royale de Londres, démonstrateur royal, chirurgien-major du régiment du roi, conseiller et chirurgien ordinaire du roi au Châtelet, né à Vitre, le 16 juin 1688, et mort à Cologne, le 40 décembre 1759. Les ouvrages de ce célèbre Breton se trouvent dans les Opuscules de chirurgie, par M. Morand.
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(1) Le registre de la paroisse Notre-Dame rapporte, à la date du 16 avril 1590 : Enterres 27 qui furent tués la nuit précédente, ayant entré par la poterne du château pour le surprendre. II est probable qu'il y a eu erreur sur la date du 3 août, généralement donnée à cet événement , et qu'il faut s'en rapporter au registre de Notre-Dame, confirmé par celui de Saint-Martin, qui dit : "Le mardi... avril 1590, à deux heures après minuit, massacre au château de Vitré de ceux qui voulaient le prendre ; 16 tués, 3 pendus, dont M. de Martinais et M. de Pariers". — Vitré ne fut plus inquiété, dit Ogée ; ce fait n'est pas exact. Les ligueurs tenaient  Châtillon-en-Vendelais, et les escarmouches dans les environs de la ville furent fréquentes, jusqu'à ce que le prince de Dombes eût enfin pris d'assaut cette place. — Mercœur songea encore , en 1592, à s'en emparer; mais le retour subit du gouverneur Montmartin, et sa présence à Vitré avec 1,200 hommes, décidèrent le chef ligueur à se détourner de son chemin. Ce fut alors qu'il se jeta sur Châteaugiron et sur un faubourg de Rennes. (V. la note précédente.)

(2) Mme de Sévigné nous donne, dans une lettre du 5 août 1671, un tableau assez original des États de Bretagne. Nous lui empruntons les passages suivants : "M. de Chaulnes arriva dimanche au soir, au bruit de tout ce qui peut en faire à Vitré. Le lundi matin, il m'écrivit une lettre : j'y fis réponse par aller dîner avec lui. On mange à deux tables dans le même lieu. Il y a quatorze couverts à chaque table. Monsieur en tient une et Madame l'autre. La bonne chère est excessive : on emporte les plats de rôti tout entiers , et, pour les pyramides de fruit , il faut faire hausser les portes... Une pyramide, avec vingt ou trente porcelaines , fut si parfaitement renversée à la porte , que le bruit qu'elle causa fit taire les violons, les hautbois et les trompettes... Après le bal, on vit entrer en foule tous ceux qui
arrivaient pour ouvrir les États. Le lendemain, M. le premier président, MM. les procureur et avocats-généraux du Parlement, huit évêques, MM..., cinquante Bas-Bretons dorés jusqu'aux yeux, cent communautés... M. d'Harouis vous écrira... Sa maison va être le Louvre des États ... C'est un jeu, une chère, une liberté , jour et nuit , qui attirent tout le monde. Je n'avais jamais vu les États : c'est une assez belle chose. Je ne crois pas qu'il y ait une province rassemblée qui ait un aussi grand air que celle-ci. Elle doit être bien pleine, du moins , car il n'y en a pas
un seul à la guerre ni à la cour... Les États ne doivent pas être longs. Il n'y a qu'à demander ce que veut le roi. On ne dit pas un mot; voilà qui est fait... Pour le gouverneur, il trouve, je ne sais pas comment, plus de 40,000 écus qui lui reviennent..., une infinité de présents, des pensions, des réparations de chcmins et de villes, quinze ou vingt grandes tables, un jeu continuel, des bals éternels,
des comédies trois fois la semaine, une grande braverie (exposition de toilette), voilà les États. J'oublie trois ou quatre cents pipes de vin qu'on y boit; mais si je ne comptais pas ce petit article, les autres ne l'oublient pas, et c'est le premier." 

Bien que le tableau tracé par Mme de Sévigné ait un grand mouvement, il est évident qu'elle n'a vu les États de Bretagne que par la fenêtre d'un salon. Il n'en est pas moins 'vrai qu'une telle assemblée devait être pour une ville une source d'affaires de toute sorte , et surtout pour une petite ville comme Vitré, Dinan et autres, qui tour à tour obtenaient la faveur d'une tenue d'États.

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L'exactitude avec laquelle on doit rendre justice à tous les hommes célèbres ne permet pas d'oublier M. René-Jacques de Garengeot, de la Société royale de Londres, démonstrateur royal, chirurgien-major du régiment du roi, conseiller et chirurgien ordinaire du roi au Châtelet, né à Vitré, le 16 juin 1688, et mort à Cologne, le 10 décembre 1759. Les ouvrages de ce célèbre Breton se trouvent dans les Opuscules de chirurgie, par M. Morand.

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