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Marteville et Varin : Dictionnaire de Bretagne; 1843. 

 

 

 

* MMrs Marteville et Varin (1843) : PLOERMEL (sous l'invocation de saint Armel); ville; commune formée de l'anc., par. de ce nom; en 1790 chef-lieu de district; aujourd'hui sous-préfecture; cure de Ière classe; chef lieu d'une recette particulière; contrôle des contributions directes; bureau d'enregistrement; direction d'arrondissement des contributions indirectes; tribunal de première instance; lieutenance de gendarmerie; collège communal; principal établissement des frères Lamennais, dits de l'instruction chrétienne, etc.—Limit. : N. Loyal; E. Campénéac, Gourhel, Augan; S. Monterlelot, La Chapelle, Monterrein; O. Taupont, Guillac, Roc-Saint-André. — Princip. vill. : La Ville-Emerot, Rochefort-le Hino, Hanbort, Boyac, Brango-Crancalel, la Touche-d'Enbas, Ouéheon, Saint-Jean, la Ville-Nars, la Couardière, Malville, le Bois-Hellio, la Ville-Gouvrio, la Ville-Roulais, la Ville-au-Vy, la Ville-Gautier, la Ville-Vieille, la Gaudinais, le Petit-Travoléon, le Roc-Brieu, Beon, Bourgneuf. — Superf. tot. 5082 hect. 58 a., dont les princip. divis. sont ter. lab. 2474; prés et pat. 683; bois 174; verg. et jard. 253; landes et incultes 1184; étangs 77; sup. des prop. bat. 34; cont. non imp. 203. — Moulins 5 (Millet, à eau; de Gourbet, de La Chapelle, de Malville, du Bois-Hellio, a vent). Notre auteur se tait sur les premiers temps de Ploërmel et ce silence est prudent; car on ne sait rien de précis sur les origines de cette ville. Tout ce qu'on peut présumer, c'est que bien avant le temps où saint Armel vint s'établir en ce lieu, il s'y était déjà formé une certaine agglomération d'habitants. La partie de Ploërmel qui porte encore le nom de Guibourg devait être le centre de cette population. On a dit que Guibourg était au centre de la forêt de Broceliande, et que son nom lui venait des mots Bourg du Gui. Cette étymologie nous semble être une de ces mille erreurs qui se répètent de livre en livre, et qui sont plu difficiles à déraciner que ne sont faciles à implanter le idées vraies.

Jamais en effet le nom de gui n'a été celte ou armoricain. C'est par une périphrase que nos ancêtres avaient dénommé cette plante : uc'hel-var, selon quelques uns, et isel-var, selon quelques autres, c'est-à-dire sur-branche et sous-branche, tels sont les seuls noms du gui. Ce n'est que long-temps après l'époque romaine qu'apparaît le nom actuel. Ainsi tombent les étymologies données des phrases populaires «au gui l'an neuf et au gui-gouroux.» Si cette dernière, spéciale à la ville de Ploërmel, et qui y sert de clameur aux enfants courant après les masques, veut dire «coureur de gui, » et rappelle une injure contre les anciens artisans de la religion druidique, elle est certes beaucoup plus moderne qu'on ne le dit. — Guibourg doit donc très-probablement son origine à quelque seigneur nommé Guy, nom si fréquent dans les premiers siècles de notre ère; et Guibourg ne signifie que le bourg de Guy. — On fait remonter à 460, nous ne savons trop pourquoi, l'introduction du christianisme en ce lieu, et l'on suppose que la première église dut être dédiée à Notre-Dame.— Ce ne fut qu'après la mort de saint Armel que l'église prit le nom de ce saint et que la localité qui l'environnait se nomma Ploué-Armel, ou paroisse de Saint-Armel. La vie de ce saint, dont Albert-le-Grand parle très-brièvement, et qui, selon les Bollandistes, vécut de 482 à 552, avait été mise en vers, au commencement du XVII siècle, par un prêtre nommé Baudeville. C'était une espèce de mystère, qu'on vouait chaque année la veille de la fête du saint. Cet usage a disparu à l'époque de la révolution.

Depuis saint Armel jusqu'au Xe siècle, Ploërmel dut s'accroître considérablement, si l'on en croit la tradition qui dit que le nombre de ses habitants s'était élevé jusqu'à 13,000. Il serait possible que la nécessité où l'on était alors de fuir les déprédations auxquelles les habitations isolées étaient incessamment exposées eût aggloméré ce grand nombre d'individus. Cependant ce n'est que dans le siècle suivant (1030) qu'Eudes Ier, comte de Porhoët, fit, dit-on, enceindre cette ville de fortifications. — M. du Gravier, imprimeur à Ploërmel, a bien voulu nous transmettre quelques notes, parmi lesquelles nous trouvons le fait suivant, qui mérite d'être éclairci, et que nous nous bornons à donner ici comme un enseignement curieux. Dès 1146, Ploërmel, ayant obtenu de son seigneur Eudes II, moyennant un tribut annuel qu'elle lui promit de payer, le droit de se constituer en commune, avait établi la municipalité de forme romaine, avec le maire et les échevins des institutions carolingiennes. Une milice avait même été organisée pour le service et la défense de la place. Le comte de Porhoët s'était réservé, outre le tribut annuel, le droit de réclamer, en temps de guerre, une certaine quantité d'hommes avec armes et bagages. — Cette institution de commune libre, dès 1146, serait probablement la première que l'on pourrait citer en Bretagne. — Quoi qu'il en soit, en 1148, Eudes, marié à Berthe, fille de Conan III, ayant succédé à celui-ci au trône ducal, Ploërmel et le comté de Porhoët passèrent dans le domaine du duc, et elle devint ville ducale.

Notre auteur se trompe quand il dit que ce qu'on connaît de plus ancien sur Ploërmel est la cession qu'en fit Amaury de Craon à Pierre de Dreux, en 1222. On trouve aux Preuves de dom Morice, t. 1, col. 133 et 134, des textes plus anciens : tous deux se rapportent à Eudes. Le premier porte, à la date de 1173 : Comes vero Eudo, cùm venisset de Francia, notuit morari cum Radeno de Fulgeriis, sed abiit in Porhoet et firmavit castrum Goseclini et cepit castellum Plouarsmel .— Le second est à la date de 1175; il s'exprime ainsi : Gaufridus dux ea quœ comes Eudo habebat de dominio, scilicet Venetum, Plouarsmel, Aurai, medietatem Cornubiœ, revocavit in ditionem suam. — Dès le XIIè siècle, on voit donc Ploërmel jouer, comme place forte, un rôle important. Il est probable toutefois que, dans cette guerre civile, la ville, prise et reprise, perdit ses fortifications; car lorsque le règne paisible de Geoffroy eut rendu quelque sécurité aux habitants, ils relevèrent leurs remparts, et c'est de cette dernière reconstruction que datent les rares débris qu'on voit encore de ces fortifications. Les murs d'enceinte avaient dix à douze pieds d'épaisseur; ils étaient flanqués de douze tours : six grosses garnissaient les angles; six autres, accouplées deux à deux, défendaient les trois portes d'entrée. Des fossés profonds et quelques travaux avancés protégaient cet ensemble de fortifications, enveloppant quelques rues étroites, tortueuses, et la place triangulaire qui sert aujourd'hui de marché aux grains. Au fond de cette place, et dans l'endroit ou est maintenant la halle actuelle, se trouvait alors l'église paroissiale. Près de celle-ci, et adossé aux murs de la ville, était le palais ducal. Cette enceinte, telle qu'elle est encore indiquée aujourd'hui par les ruines des fortifications qui se voient au levant, au nord et au couchant, et qui, au midi, devaient occuper l'emplacement de la grande route de Vannes, n'était évidemment qu'un grand fort dans lequel se réfugiaient, en cas d'agression, les habitants des faubourgs qui constituaient la cité de Ploërmel.

Ogée dit qu'en 1346, on donna à Bembro le commandement de Ploërmel. Ceci demande quelques explications : Edouard III, roi d'Angleterre, étant venu en Bretagne défendre les droits du comte de Montfort contre Charles-de-Blois, mit le siège devant cette ville, à la tête d'une armée nombreuse. Les habitants, habilement dirigés par leur maire (il se nommait Perret), tinrent long-temps, et opposèrent une résistance héroïque. Enfin, un capitaine anglais, Bembro, ayant, pendant une attaque, remarqué qu'une partie des murailles était complètement dégarnie, s'y jeta avec sa compagnie, l'escalada et prit les assiégés à revers. Ceux-ci furent taillés en pièces; un petit nombre d'entre eux, guidés par le brave Perret, parvinrent, après des prodiges de valeur, à se frayer un passage et à gagner la campagne. Bembro, en récompense de cette action hardie, fut nommé capitaine de Ploërmel.

Le siège de 1487 fut signalé par l'admirable défense d'Arthur Gruel, qui, bien, que le duc François II fût dans l'impossibilité de le secourir, résista long-temps, malgré les privations de toutes sortes et les combats incessants qu'il eut à subir. Enfin la place, a demi démantelée, fut enlevée d'assaut, pillée et brûlée; toutes ses anciennes constructions disparurent. Aussi, n'existe-t-il à Ploërmel aucun monument antérieur à cette époque. Deux maisons remarquables par leurs sculptures, et dont les unes, qui sont en bois, présentent des sujets peu honnêtes, sont à peu près tout ce que cette ville offre de curieux aux antiquaires. — Notre auteur dit que François II, ne voulant pas affaiblir ses troupes par la multiplicité des garnisons, fit démolir, l'année suivante (1458), les fortifications de cette ville. C'était, dan les idées  d'alors, mal reconnaître la belle défense que cette ville avait faite; maintenant on jugera peut-être que c'était lui rendre service, en prévenant le retour des misères d'un siège. Quoi qu'il en soit, on ignore si cet ordre fut exécuté; car, en 1591, la ville et le château opposèrent une vive résistance aux troupes de Henri IV; et le 21 avril 1594, Mercœur fit contre eux une tentative inutile. C'était en souvenir de cette dernière défense que, chaque année, ou faisait à Ploërmel, le 21 avril, la procession dont parle notre auteur, et qui n'a été supprimée qu'à l'époque de la Révolution.  Il est donc à croire que, si les fortifications de cette ville n'existent plus, c'est parce qu'elles sont, comme tant d'autres, peu à peu tombées en ruines, envahies peu a peu par les constructions particulières, et négligées par suite de la paix continue qui a régné en Bretagne après la réunion à la France.— L'église paroissiale actuelle est ce qu'il y a de plus remarquable à Ploërmel. On l'a fait remonter au XIIè siècle; mais c'est une grave erreur. Les premiers fondements n'en furent guère jetés qu'en 1500, et elle ne fut terminée que vers 1602. Le côté nord de cet édifice est remarquable par ses sculptures, qui rappellent le gothique fleuri. Le portail est couvert de sujets allégoriques et d'inscriptions en gothique allongée, dont nous nous souvenons d'avoir facilement déchiffré quelques unes la dernière fois que nous le visitâmes. L'on voit aussi sur les vitraux de la fenêtre qui surmonte la porte d'entrée saint Armel étouffant la guibre. En effet, dans la chronique de saint Armel, il est mention d'un serpent qui désolait le pays, et que le saint détruisit. Cette chronique est fréquente en Bretagne, et ne présente rien de particulier. — On a dit que le lieu où la guibre se retirait est celui où, plus tard, fut construit le quartier dit Guibourg. C'est encore là une de ces étymologies qu'il faut reléguer avec celle de Gui. — Quoiqu'il en soit, l'église de Ploërmel est d'un ensemble lourd et irrégulier. L'intérieur est formé par trois nefs que séparent de beaux piliers de granite appelés à supporter, non une puissante voûte de la même espèce, mais une légère voûte ogivale et en bois. — De beaux vitraux peints, à demi détruits, attestent encore l'ancienne splendeur de ce vaisseau. Celui qui représente la Pentecôte est notamment une œuvre des plus remarquables.

Outre les statues de Jean II et de Jean III qui ont été relevées dans l'église de Saint-Armel, on voit encore à Ploërmel, dans la cour de la maison de M. Robert, propriétaire actuel de l'ancien couvent des carmes, plusieurs eaux fragments de sculpture, dont les plus remarquables, sont les statues de Philippe de Montauban et de sa seconde femme, Anne du Chastelier. Notre auteur en a parlé; l'article Néant. (Voy. ce mot.) Ces statues auraient mérite d'être relevées en même temps que le furent celles des ducs Jean II et Jean III.

Outre l'église dédiée à Saint-Armel, Ploërmel possède l'église qui autrefois servait au couvent des sœurs ursulines. C'est un monument du commencement du XVIIIè siècle, mais dont la façade est déjà fort altérée par l'injure du temps. L'intérieur, embelli par un autel somptueux, est simple, et ne manque pas d'une certaine majesté. Cette église sert à la communauté des ursulines, qui tiennent un pensionnat renommé.

A environ 1 kilomètre de la ville est la belle pièce d'eau dite à Ploërmel l'étang des Grands-Moulins, et dans la Bretagne l'étang au Duc. C'est un petit lac qui n'a pas moins de 12 kilomètres de tour; ses eaux limpides et profondes sont alimentées par une petite rivière qui le traverse et qui est riche en truites. Ces eaux, en s'échappant à la chaussée inférieure, font mouvoir plusieurs moulins et forment une cascade qui n'a pas moins de 7 mètres de chute. Au-dessus des moulins est un tertre surmonté de grands arbres et couvert de ruines qui passent pour être celles d'un vieux château préposé jadis à la garde de cette chaussée. — L'étang menace en effet, en cas d'une rupture du barrage, tout le pays qu'il domine, et la tradition porte qu'autrefois il y avait toujours dans les moulins un cheval bridé et sellé, prêt à servir au cavalier qui devait, en cas d'accident, eu porter la nouvelle à la ville de Malestroit.

M. le général de la Boissière, né à Ploërmel, et qui maintenant habite, en cette commune, le château de Malville, est propriétaire de ce bel étang. Son exemple a imprimé un grand essor à l'agriculture de ces contrées. Par ses nombreuses plantations d'arbres verts et par ses défrichements, M. de la Boissière a révélé au pays de Ploërmel les richesses qu'il renferme pour les agriculteurs que le travail n'effraie  pas. — Du monticule qui domine l'étang au Duc, ou jouit d'une vue délicieuse, et dont le château de Lambilly ne fait par le moindre charme.

Ploërmel est la patrie de Hayart, prêtre, traducteur de fragments d'Aristote; — du maître d'école et prêtre Baudeville, déjà cité par nous comme auteur de la tragédie-mystère sur la vie de saint Armel; — d'Ange de la Passion, carme, mort à Rennes en 1734, auteur de plusieurs ouvrages religieux, entre autres du «Disciple pacifique de saint Augustin,» en 2 vol. in-4°. — C'est aussi à Ploërmel qu'est le bel établissement dont M. de Lamennais a fait comme l'école normale des instituteurs qu'il destine à l'enseignement primaire. Ce vaste établissement, que le gouvernement a favorisé par plusieurs privilèges, jouit entre autres de l'avantage de voir exempter de la conscription les jeunes gens qui y font leurs études, à condition toutefois de persévérer dans leur dessein de se livrer à l'éducation.

Ploërmel s'enorgueillit enfin de compter parmi ses enfants M. le lieutenant-général Jean-Louis du Breton, aujourd'hui pair de France, célèbre dans nos fastes militaires par la défense de Burgos et par la retraite du Hanovre, où il se couvrit de gloire.

La route de Rennes à Vannes traverse Ploërmel; celle de Ploërmel à Hennebon y prend naissance. — II y a foire le troisième lundi de chaque mois, et marché chaque lundi. — Géologie : schiste argileux; ardoisières. — Ou parle 1e français.

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